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Le retour du Grenelle de l’environnement : Interview de Jean-François Ségard

Qu’attendiez-vous du Grenelle de l’environnement ?

Une démocratisation de la problématique environnementale. C’est-à-dire la présentation au grand public des risques, à court, moyen et long terme, des conséquences des catastrophes écologiques qui nous menacent. Parler du réchauffement climatique, de ses conséquences dans les pays lointains ne signifie pas grand-chose pour une très grande partie de la population française. La fonte des glaces au Groenland, la disparition d’archipels dans le Pacifique ne semblent pas influencer les modes de consommation de nos concitoyens. Par contre, parler des conséquences locales (plus de neige dans les stations de ski des Alpes ou des Pyrénées, plus d’eau pour les villes des plaines lorsque ces mêmes stations auront détourné les eaux pour faire de la neige artificielle, par exemple) a une portée beaucoup plus grande (même si dans mon exemple, toute la population ne semble pas concernée par ce problème, quoique). Les discussions du Grenelle auraient pu être l’occasion d’aborder ce type de problème.
La question de l’alimentation ne nous semble pas avoir été abordée. Alors que le président du GIEC préconise de manger moins de viande, cette question aurait vraiment pu être développée. Il y aurait beaucoup à dire : par exemple, expliquer la quantité d’eau nécessaire pour la fabrication d’un kilo de viande. En effet, l’essentiel du maïs produit dans notre pays part dans l’alimentation du bétail. Or, la zone biogéographique du maïs n’est pas la France. Il faut donc irriguer énormément. Une grande partie de l’eau est gaspillée… Pour faire un kilo de viande il faut dix fois plus que pour faire un kilo de riz. Sans forcer les gens à devenir des végétariens, le Grenelle aurait pu reprendre les propositions du président du GIEC. Une journée sans viande dans les écoles, les restaurants d’entreprises, voilà une mesure pédagogique !

Quelles sont vous selon vous les mesures phares de ce projet ?

D’après nos lectures, les mesures ne s’adressent pas à l’ensemble des Français. Les nouvelles constructions auront des normes de meilleur qualité, certes, mais la vitesse du renouvellement du parc immobilier se calcule en siècles… Beaucoup de mesures concernent le verdissement de l’administration, c’est bien, mais le citoyen n’est pas toujours fonctionnaire.
Ce Grenelle aurait pu être l’occasion de parler réellement d’aménagement du territoire. La densification vers laquelle on se dirige aura d’autres conséquences. Si chauffer un immeuble est moins consommateur d’énergie que de chauffer le même nombre de logements en individuel, il engendre des nuisances de voisinage qui auront des répercussions importantes. On le voit dans les cités construites dans les banlieues. Le bruit, la promiscuité, les embouteillages deviennent des fléaux avec leurs conséquences sur la santé des personnes (stress, insomnie, maladies, etc.). Ces problèmes ont un coût qu’il faudrait pouvoir mettre en face des conséquences sur l’environnement. N’est-il pas plus facile d’inventer des machines qui purifient l’atmosphère que de soigner des gens ? Une bonne organisation de l’espace, un déconcentration, avec des mesures d’accompagnement (bâtiment moins consommateurs, des moyens de transports écologiques, etc.), permettrait aux citoyens de vivre dans moins de stress. Ils seraient également moins malades, du coup la sécurité sociale serait moins sollicitée ! Cela ne veut pas dire qu’il faut urbaniser n’importe où et n’importe comment ! Les nouveaux quartiers des villes nouvelles sont « mieux » pensés que les premiers quartiers réalisés dans les années 70 et 80. Le développement durable a été intégré dans ces nouvelles réalisations.
Nous attendions beaucoup sur la question des déchets. Pour ce qui concerne notre association, nous sommes intervenus auprès d’élus verts (sénateurs et députés) afin de leur présenter notre proposition de loi concernant la démocratisation du papier recyclé. Les débats parlementaires auraient pu être l’occasion d’en parler… Les seules recommandations du Grenelle concernent l’usage du papier recyclé dans l’administration. C’est vraiment dommage. La démocratisation du papier recyclé est un moyen pédagogique qui permet d’aborder de nombreux sujets : consommation, recyclage, gaspillage… Il reste beaucoup à faire dans ce domaine.

Voyez vous une réelle avancée dans le Grenelle de l’environnement ?

Le Grenelle a été l’occasion pour ses participants de pouvoir discuter ensemble. Discuter ne veut pas dire se comprendre. Trop souvent les rapports entre les parties (associations, industriels, parlementaires) restent conflictuelles. Le Grenelle a donné l’impression que le dialogue était possible. Même si les parlementaires ont été clairs dès le départ, ce sont eux qui détiennent le pouvoir législatif ! Beaucoup d’idées, de propositions n’ont pas trouvées de concrétisation dans la loi.
Nous considérons le texte final comme une bonne avancée. Il faut rester vigilant sur son application et sur les décrets d’application.
Les articles, les émissions consacrés au Grenelle permettent à tous les citoyens d’en entendre parler. Mais dans beaucoup de cas, cela manque de cas concrets. Le terme développement durable est utilisé à toutes les sauces. Parfois même, n’importe comment. Aujourd’hui, tout le monde fait du développement durable ! Mais comment peut-on continuer à vendre des voitures au nom du développement durable ?

Vous attendez-vous à des répercutions rapides du Grenelle sur la politique gouvernementale en matière d’écologie notamment au niveau local ?

Les principales mesures ne se feront pas « sentir » rapidement. Car elles touchent beaucoup l’immobilier. Des résultats concrets pourraient être visibles dans une application volontariste dans le domaine des transports collectifs. En effet, l’investissement de millions d’euros dans les réseaux de transports en commun permettraient aux réseaux de se développer. Mais il n’est pas facile de créer de nouvelles lignes de tramways. Les réticences des riverains, des associations… retardent beaucoup les projets. La réutilisation d’axes existants n’est pas toujours envisagée. La fermeture des petites lignes ou le remplacement par des bus, ne va pas dans le bon sens. Au contraire. Le maintien de ces lignes permet la redynamisation de zones plus ou moins abandonnées (on retrouve là la question de la densification et de ses problèmes), le maintien d’emplois en zones péri-urbaine… Des hameaux qui revivent, même si les gens utilisent leurs voitures pour se déplacer, n’est-il pas mieux que de concentrer les gens les uns sur les autres. Le rapport protection de l’environnement / protection de la santé n’est pas toujours évalué correctement. Nous sommes profondément écologistes, nous sommes de véritables défenseurs de l’environnement (nous essayons de le vivre au mieux tous les jours), mais les choix de densification préconisés par le Grenelle, amplifiés par le schéma directeur d’aménagement de l’Ile-de-France ne nous semblent pas être les bons. La centralité parisienne aura de nombreuses conséquences. Sans doute, la pollution baissera un peu, mais d’autres maux se multiplieront…

Rédaction

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